La purée de pommes de terre. Un classique de la cuisine française, le plus réconfortant des accompagnements.

Si elle semble d’une simplicité enfantine, il existe un fossé entre une purée basique et celle qui vous laissera un souvenir impérissable : celle des grands chefs, onctueuse, légère, savoureuse et sans l’ombre d’un grumeau.

Dans cet article long, précis et détaillé, nous allons décortiquer les secrets de cette excellence, de la sélection de la pomme de terre idéale à la technique d’émulsion finale.

Mais commençons par un voyage dans le temps pour comprendre comment ce plat simple est devenu si essentiel.

 

1. Voyage aux origines : la purée et monsieur Parmentier

 

L’idée de réduire des légumes en pâte est ancienne (la « purée » de pois existait déjà au Moyen Âge), mais la purée de pommes de terre telle que nous la connaissons est étroitement liée à l’histoire d’un tubercule controversé et d’un homme brillant.

 

A. De l’Amérique du Sud aux tables européennes

 

La pomme de terre, ou papa, est originaire de la Cordillère des Andes, où elle était cultivée par les Incas il y a des millénaires. Introduite en Europe au siècle, elle fut longtemps boudée, voire interdite, en et dans d’autres pays. On la suspectait de causer la lèpre et on la considérait au mieux comme fourrage pour les animaux.

 

B. Le combat d’Antoine-Augustin Parmentier

 

C’est au siècle qu’un pharmacien-agronome, Antoine-Augustin Parmentier (), entre en scène. Fait prisonnier en pendant la guerre de Sept Ans, il découvre les qualités nutritives de la pomme de terre, servie comme nourriture de survie.

De retour en , consacre sa vie à la promotion de ce légume miracle, notamment pour prévenir les famines. Il organise des dîners de dégustation pour les élites, servant des plats variés à base de pommes de terre, et met en place une célèbre ruse :

  • Il fait planter des pommes de terre dans la plaine des près de .

  • Il fait garder le champ par des soldats le jour, mais pas la nuit.

  • Intriguée par cette garde, la population en dérobe pour les planter et les consommer à son tour, croyant voler un mets précieux.

Le succès est immédiat et la pomme de terre devient enfin un aliment de base en . La purée est l’une des formes les plus simples et populaires pour la déguster. C’est en son honneur qu’un plat de viande hachée recouverte de purée a été nommé le hachis Parmentier.

 

2. Le choix de la pomme de terre : l’étape fondamentale

 

La qualité de votre purée repose à sur la variété de pomme de terre choisie. Il faut impérativement se tourner vers les variétés à chair farineuse ou fondante. Pourquoi ? Car elles contiennent un taux d’amidon élevé qui se délite facilement à la cuisson, absorbant mieux le beurre et le lait sans devenir collantes.

Variété de Pomme de Terre Type de Chair Pourquoi elle est idéale pour la purée
Bintje Farineuse La référence historique. Se délite parfaitement, garantissant une texture aérée et sans grumeaux.
Agria Farineuse / Tendre Très polyvalente, elle offre une belle texture et un bon goût.
Monalisa Tendre / Fondante Bonne tenue, mais se défait bien pour une purée onctueuse.
Marabel Fondante Offre un excellent goût et une texture soyeuse.
Vitelotte Farineuse Idéale pour une purée originale de couleur violette, au subtil goût de noisette.

L’erreur à éviter :

 

N’utilisez jamais de pommes de terre à chair ferme (comme la Charlotte ou la Ratte) pour une purée. Leur faible teneur en amidon et leur tenue à la cuisson risquent de donner une purée élastique ou collante.

3. La technique de cuisson : préserver l’amidon

 

La méthode de cuisson est essentielle pour éviter que les pommes de terre ne se gorgent d’eau et ne deviennent fades.

 

A. L’épluchage et la coupe :

 

  1. Épluchez les pommes de terre (sauf si vous optez pour une version « rustique » où la peau est laissée).

  2. Coupez-les en morceaux de taille égale. Ceci garantit une cuisson parfaitement homogène.

 

B. La cuisson : le départ à froid

 

C’est la règle d’or des grands-mères et des chefs :

  • Départ à l’eau froide et salée : Placez les morceaux dans une casserole et recouvrez d’eau froide. Salez généreusement (environ de sel par litre d’eau).

  • Progression lente : En partant à froid, la cuisson est progressive. La pomme de terre cuit uniformément de l’intérieur vers l’extérieur. Si vous la plongez dans l’eau bouillante, l’extérieur surcuirait pendant que l’intérieur resterait ferme.

  • Vérification : Laissez mijoter à frémissement. La cuisson est atteinte lorsque les morceaux s’écrasent très facilement à la pointe d’un couteau (comptez à minutes après ébullition).

 

C. Le « dessèchement » : éliminer l’excès d’humidité

 

C’est le secret souvent négligé qui rend la purée fade et aqueuse.

  1. Égouttez les pommes de terre cuites.

  2. Remettez-les dans la casserole vide et placez celle-ci sur feu très doux (ou sur la chaleur résiduelle).

  3. Mélangez doucement pendant à minutes. L’excès d’eau va s’évaporer, concentrant le goût de la pomme de terre.

 

 

4. L’émulsion magique : beurre et lait chauds

 

Une purée inoubliable est une émulsion. Elle exige un ajout de matière grasse et de liquide qui doit être fait dans le bon ordre et à la bonne température.

 

Ingrédients de l’émulsion :

 

Pour de pommes de terre (poids brut) :

  • Beurre de qualité : à (le célèbre chef Joël Robuchon allait jusqu’à !).

  • Lait entier ou Crème liquide entière : à .

 

A. L’écrasement :

 

  • L’ustensile idéal : Le moulin à légumes (grille fine ou moyenne) ou le presse-purée manuel. Ils écrasent la chair sans casser les grains d’amidon, garantissant la légèreté.

  • À proscrire : Le mixeur, le blender ou le robot-coupe. Leur vitesse excessive casse l’amidon et libère une substance collante qui rend la purée élastique.

 

B. L’incorporation du beurre froid :

 

  1. Travaillez la purée chaude : Écrasez les pommes de terre dès qu’elles sont desséchées.

  2. Ajoutez le beurre froid en morceaux et incorporez-le avec une spatule en bois ou une cuillère.

  3. Le beurre froid vs la purée chaude : Ce contraste de température et l’action de mélanger créent une émulsion stable (comme pour une mayonnaise), ce qui rend la purée incroyablement onctueuse et brillante.

 

C. Le lait chaud et l’aération :

 

  1. Chauffez le lait (ou la crème) : Il doit être chaud, mais pas bouillant. L’ajout de liquide froid « choquerait » l’émulsion.

  2. Incorporez le liquide progressivement en filet, tout en continuant de mélanger vigoureusement avec la spatule (ou mieux, au fouet).

  3. Aérez : Fouettez brièvement et énergiquement la purée une fois le liquide incorporé. Cela introduit de l’air, la rendant plus légère, aérienne et brillante.

 

5. Les touches secrètes d’assaisonnement

 

Une purée parfaite est parfaitement assaisonnée.

  • Le sel : Goûtez ! Même si l’eau de cuisson était salée, la pomme de terre absorbe et le sel est souvent dilué par le beurre et le lait. Ajoutez le sel en toute fin d’assaisonnement.

  • Le poivre : Privilégiez le poivre blanc fraîchement moulu. Son goût est plus subtil et il n’ajoute pas les points noirs du poivre noir, préservant l’aspect immaculé de la purée.

  • La noix de muscade : Une petite pincée fraîchement râpée est indispensable. Elle apporte une chaleur aromatique qui réhausse le goût de la pomme de terre sans la masquer. Attention : dosez-la avec parcimonie.

 

6. Le « plus » du chef : la purée tamisée

 

Pour une finition digne d’un restaurant gastronomique, vous pouvez appliquer une dernière technique : le tamisage.

  • Le principe : Passez la purée finie (chaude, beurrée et assaisonnée) à travers un tamis fin ou une passoire fine à l’aide d’une spatule.

  • Le résultat : Cette étape élimine les plus infimes grumeaux et les fibres restantes, offrant une purée d’une finesse et d’une légèreté incomparables, souvent qualifiée de « veloutée ».

Récapitulatif : les 4 secrets de l’excellence

Étape Le Secret de la Réussite L’Erreur à Ne Jamais Commettre
1. Choix Utiliser une pomme de terre à chair farineuse (Bintje, Agria, Monalisa). Utiliser de la Charlotte ou de la Ratte (chair ferme).
2. Cuisson Départ à l’eau froide salée, puis dessécher la pulpe sur le feu doux. Démarrer à l’eau bouillante et ne pas égoutter suffisamment.
3. Technique Utiliser un presse-purée et incorporer le beurre froid avant le lait chaud. Utiliser un mixeur ou un blender, ce qui rend la purée collante.
4. Assaisonnement Finir avec du poivre blanc et une pointe de muscade fraîchement râpée. Négliger l’assaisonnement final après l’ajout des matières grasses.

Avec ces techniques éprouvées, la purée maison n’aura plus de secrets pour vous. Vous obtiendrez un accompagnement qui est, à lui seul, un plat d’exception.

Bonne dégustation !

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