Peu de plats incarnent la cuisine de famille française avec autant de chaleur et de simplicité que le hachis parmentier.
Ce gratin réconfortant, superposition harmonieuse de purée de pommes de terre onctueuse et de viande de bœuf hachée savoureuse, est un véritable trésor de la gastronomie populaire.
Souvent relégué au rang de plat « facile », le hachis parmentier est pourtant une œuvre d’art culinaire qui, lorsqu’il est exécuté avec soin, révèle une richesse de saveurs et une texture inégalables.
Plongeons dans l’histoire de ce mets emblématique et découvrons les secrets pour transformer cette simplicité en une expérience gastronomique.
I. Histoire du hachis parmentier : le triomphe d’un apothicaire
L’histoire de ce plat est indissociable de celle d’un homme : Antoine-Augustin Parmentier ().
1. La pomme de terre : de l’ignominie au trône royal
Avant le siècle, la pomme de terre était considérée en France comme de la nourriture pour le bétail, voire un tubercule toxique, et sa culture était même interdite par décret en . La France, ravagée par les famines, refusait pourtant cette solution facile et abondante.
Antoine Parmentier, pharmacien, nutritionniste et hygiéniste, est fait prisonnier en Allemagne pendant la Guerre de Sept Ans. Il y découvre, contraint et forcé, que la pomme de terre est un aliment nourrissant.
De retour en France, il se donne pour mission de populariser ce tubercule pour combattre la disette et les famines chroniques.
2. La stratégie de génie de Parmentier
Pour convaincre la cour, Parmentier organise des banquets pour les personnalités de l’époque (dont Benjamin Franklin) où tous les plats sont à base de pomme de terre. Le succès est retentissant.
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L’engouement royal : En , Parmentier réussit à convaincre le roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette de goûter aux parmentières. La légende raconte que le couple royal arbore même des fleurs de pomme de terre à leurs vêtements, offrant une publicité royale inestimable.
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Le stratagème marketing : Pour inciter le peuple à cultiver ce légume, Parmentier obtient du Roi un terrain à Sablons et le fait garder militairement le jour, mais retire les gardes la nuit. Intrigués par cet aliment que l’on jugeait si précieux qu’il fallait le protéger, les paysans s’empressent de le dérober et de le planter. L’adoption du tubercule est lancée.
3. La naissance du hachis
Si Antoine Parmentier a donné son nom au plat, la recette du hachis parmentier n’est apparue que plus tard, au début du siècle, dans les brasseries parisiennes.
Le terme « hachis » désignait historiquement un plat utilisant des restes de viande (souvent du pot-au-feu ou du bœuf bouilli) qui étaient hachés, liés avec une sauce simple, puis recouverts de la nouvelle reine des légumes : la purée de pomme de terre. Ce plat incarne donc l’alliance parfaite de l’économie (utilisation des restes) et de la démocratisation (le tubercule abondant).
Aujourd’hui, même s’il est souvent préparé avec du bœuf haché frais, le hachis parmentier reste un plat traditionnel français synonyme de réconfort.
II. Recette maîtrisée : l’art de l’assemblage
Le hachis parmentier est un gratin à deux étages, et le secret réside dans la perfection de chacun d’eux.
| Composant | Ingrédients clés |
| La purée (l’onctuosité) | $\text{1.2 kg}$ de pommes de terre (Bintje, Monalisa, à chair farineuse) |
| $\text{150 g}$ de beurre (demi-sel) | |
| $\text{20 cl}$ de lait entier chaud | |
| Noix de muscade, sel, poivre | |
| Le hachis (la saveur) | $\text{800 g}$ de bœuf haché (ou restes de pot-au-feu) |
| $\text{2}$ oignons, $\text{2}$ gousses d’ail | |
| $\text{10 cl}$ de fond de veau (ou bouillon de bœuf) | |
| $\text{1}$ branche de thym, $\text{1}$ feuille de laurier | |
| Finition | $\text{50 g}$ de chapelure (optionnel), fromage râpé (Gruyère ou Comté) |
Étape 1 : le hachis (le fondant et l’humidité)
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Saisir et dégraisser : Faites dorer les oignons et l’ail émincés dans une poêle avec un peu d’huile ou de beurre. Ajoutez le bœuf haché et faites-le cuire jusqu’à ce qu’il soit bien coloré.
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Lier et humidifier : Ajoutez le thym et le laurier. Versez le fond de veau (ou bouillon) et laissez mijoter quelques minutes. Le secret de la saveur est ici : la viande ne doit pas être sèche. Elle doit être « mouillée » par un jus concentré pour garantir un contraste parfait avec la purée.
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Assaisonner : Salez et poivrez généreusement. Retirez le thym et le laurier. Transférez la préparation dans un plat à gratin.
Étape 2 : la purée onctueuse (le secret du chef)
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Cuisson parfaite : Épluchez et coupez les pommes de terre. Faites-les cuire dans de l’eau salée jusqu’à ce qu’elles soient tendres.
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L’écrasage : Crucial : Égouttez-les et laissez-les sécher quelques instants. Passez-les immédiatement au moulin à légumes (ou presse-purée), surtout pas au mixeur (qui les rendrait élastiques).
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Le montage au chaud : Incorporez le beurre froid coupé en morceaux. Mélangez, puis ajoutez progressivement le lait entier chauffé. L’ajout de matière grasse et de liquide chaud garantit l’onctuosité.
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Assaisonnement : Salez, poivrez et ajoutez une bonne pincée de noix de muscade fraîchement râpée. La purée doit être riche et fluide, mais se tenir.
Étape 3 : le montage et le gratinage
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Assemblage : Recouvrez le hachis de bœuf avec la purée. Lissez la surface avec une fourchette (les crêtes créent un meilleur gratiné).
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Finition croustillante : Parsemez de fromage râpé (Comté ou Gruyère) et/ou d’une fine couche de chapelure.
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Cuisson : Enfournez dans un four préchauffé à () pendant à minutes. Terminez par minutes sous le grill pour obtenir une croûte dorée et croustillante.
III.
plus qu’un plat, un patrimoine
Le hachis parmentier est le symbole de la cuisine française qui réussit l’exploit de transformer des ingrédients modestes en un chef-d’œuvre de saveur et de texture.
De son origine historique, grâce à la vision avant-gardiste d’Antoine Parmentier, à sa perfection culinaire par une purée onctueuse et une viande savoureusement humidifiée, ce plat ne cesse de réchauffer les cœurs.
La prochaine fois que vous le dégusterez, pensez à l’histoire de la pomme de terre, et surtout, n’ayez pas peur d’y ajouter votre propre secret d’onctuosité.