Le lapin, longtemps considéré comme une viande du quotidien ou de la chasse, est un véritable trésor de notre patrimoine gastronomique. Sa chair blanche, fine et maigre, est l’alliée des plats mijotés et des sauces riches, des recettes paysannes aux tables bourgeoises.
L’ascension du lapin dans la cuisine française témoigne de l’ingéniosité de nos terroirs.
Nous explorons ici l’héritage du lapin et les astuces pour le sublimer comme un chef.
1. Une histoire de terroir : du Garenne au clapier
Le lapin, ou plus spécifiquement le lapin de Garenne, a toujours été présent dans le paysage culinaire français. Son histoire est double :
-
Le lapin de Garenne (gibier) : sa saveur est plus forte, plus « giboyeuse ». Il est traditionnellement réservé aux plats de caractère nécessitant une marinade, comme le civet. Son usage, bien que réglementé par la chasse, a donné naissance aux grandes sauces au vin rouge liées au sang.
-
Le lapin de clapier (élevage) : plus doux et tendre. L’élevage intensif, notamment dans les Pays de la Loire et en Bretagne, a rendu cette viande accessible et stable en qualité, la rendant parfaite pour les cuissons plus rapides ou les sauces à la crème.
L’astuce du chef : La viande de lapin est très maigre et se dessèche facilement. Les meilleures recettes françaises (Civet, Lapin Chasseur) utilisent des techniques de cuisson lente et humide (mijotage en cocotte) pour garantir un moelleux exceptionnel.
2. Maîtriser la découpe : les parties nobles
Contrairement à la volaille, chaque morceau du lapin a un usage précis en cuisine française. Le boucher détaille le lapin en cinq parties principales :
| Morceau | Caractéristique | Utilisation gastronomique |
|---|---|---|
| Le râble | Morceau central, très charnu et désossé. | Idéal pour les cuissons au four (rôti, farci) ou poêlé, servi entier comme un filet. |
| Les cuisses (ou gigolettes) | Viande ferme, nécessitant une cuisson longue et douce. | Parfaites pour les plats mijotés : civets, ragoûts, ou lapin à la moutarde. |
| Les épaules | Petits morceaux avec os, très savoureux. | Utilisées pour les fonds, bouillons ou terrines, elles apportent du goût sans la finesse des autres morceaux. |
| Le foie | Abat délicat et parfumé. | Sert à lier ou enrichir les sauces des civets, pâtés ou terrines. |
| Les rognons | Abat fin et tendre. | Se poêlent rapidement et se servent souvent en garniture. |
La technique de pro : Pour que la chair du lapin cuisse de manière homogène, n’hésitez pas à désosser légèrement le râble si vous le servez rôti, ou à aplatir les morceaux de cuisse avec le plat du couteau avant de les dorer.
3. Le tour de France des recettes au lapin
Le lapin est la star de nombreux plats de terroirs, souvent caractérisés par l’accompagnement local qui sublime la finesse de la viande :
a. Le lapin à la moutarde (Bourgogne)
C’est sans doute la recette la plus emblématique. Elle trouve ses racines en Bourgogne, célèbre pour son vin blanc et sa moutarde.
-
Le secret : L’usage d’un mélange de moutarde de dijon (forte) et de moutarde à l’ancienne (douce et granuleuse) pour un équilibre parfait. La crème fraîche est ajoutée en fin de cuisson, hors du feu, pour lier sans que la sauce ne tranche.
-
L’accord régional : Un Aligoté de Bourgogne ou un vin blanc sec et fruité.
b. Le Civet de Lapin (Cuisine d’abat et chasse)
Plat historique de la cuisine paysanne, le civet (mot issu de l’occitan désignant les mets cuisinés avec des oignons et de l’ail) utilise la technique de la marinade et du sang.
-
Le secret : La viande est marinée dans du vin rouge corsé (souvent de Bourgogne, du Rhône ou du Cahors) pour l’attendrir. La sauce est traditionnellement liée avec le sang de lapin (aujourd’hui souvent remplacé par du foie mixé ou des carrés de chocolat noir pour la couleur et l’onctuosité, notamment dans le Sud-Ouest).
-
L’accord régional : Un vin rouge du même terroir que le vin de la marinade.
c. La Gibelotte de Lapin (Normandie)
Dans l’ouest de la France, la gibelotte est un ragoût cuisiné sans la complexité de la liaison au sang.
-
Le secret : Elle utilise les produits emblématiques de la Normandie, notamment le cidre et souvent une touche de Calvados pour déglacer et apporter un parfum fruité unique.
-
L’accompagnement : Des champignons de Paris, des lardons et des oignons grelots.
Le lapin est une viande qui demande de l’attention et de la patience, mais elle récompense le cuisinier par sa capacité à absorber et à refléter les saveurs des terroirs français.
Maîtriser le lapin, c’est maîtriser une partie essentielle de notre héritage culinaire.